9.
Damon laissa retomber sa main. Il ne pouvait se résoudre à la frapper. Bonnie était affaiblie, étourdie, et donc incapable de se battre, facile à embrouiller…
« Voilà ! songea-t-il. Je vais me servir de ça ! Elle est tellement naïve… »
— Lâche-moi juste une seconde, que je puisse prendre le bâton… dit-il pour tenter de l’amadouer.
— Sûrement pas ! Si je te lâche, tu vas sauter. Et de quel bâton tu parles, d’abord ? répliqua Bonnie d’une traite.
Lucide, têtue et pas très pragmatique…
Était-ce une impression ou le faisceau de lumière commençait-il à vaciller ?
— Bonnie, je suis très sérieux, reprit Damon tout bas. Lâche-moi, sinon je vais t’y forcer et, crois-moi, ça ne va pas te plaire.
— Fais ce qu’il dit, supplia Meredith à proximité, dans la pénombre. Il part au Royaume des Ombres, et tu vas finir par y aller avec lui si tu t’obstines. Sauf que cette fois vous serez tous les deux esclaves. Alors, attrape ma main !
— Allez, prends sa main ! répéta Damon d’une voix tonitruante.
Aucun doute, le faisceau, de moins en moins lumineux à chaque seconde, faiblissait. Damon sentit Bonnie hésiter et chercher son amie des yeux.
— Je ne peux pas, Meredith…
Ensuite, ce fut la chute.
La dernière fois qu’ils avaient voyagé entre deux dimensions, ils étaient cloîtrés dans une sorte d’ascenseur. Cette fois ils volaient, tout simplement. Il y avait cette lumière d’une part, eux de l’autre, et ils étaient si éblouis que, d’une certaine façon, toute parole était vaine. Seul comptait ce flot sublime de lumière…
Alors ils se retrouvèrent dans une petite rue si étroite qu’ils avaient tout juste la place de tenir l’un en face de l’autre. Les bâtiments autour étaient si hauts qu’il faisait presque nuit en bas.
Non… ce n’était pas le problème, devina Damon. Il se souvenait très bien de cette luminosité rouge sang immuable. Elle ne filtrait d’aucun côté de ce goulet de rue, signe qu’ils étaient en fait au cœur du crépuscule.
— Tu as conscience de l’endroit où on est ? demanda Damon avec brutalité.
Bonnie acquiesça d’un signe de tête, visiblement contente de ne pas avoir eu besoin de lui pour comprendre.
— Au cœur du crépuscule…
— Et merde !
Elle regarda autour d’elle.
— Où ça ? Je ne sens rien, hasarda-t-elle prudemment en examinant ses semelles.
— Rien que pour avoir osé mettre les pieds ici, murmura Damon très lentement, comme pour s’efforcer de se calmer entre chaque mot, on risque de se faire fouetter, étriper et décapiter.
Bonnie se mit à sautiller d’un pied sur l’autre, comme si réduire le temps d’interaction entre ses pieds et le sol pouvait leur être d’un quelconque secours. Elle leva les yeux vers lui, dans l’attente de ses instructions.
Subitement, Damon l’empoigna et la dévisagea, prenant peu à peu conscience de la situation.
— Tu es dans les vapes, finit-il par chuchoter. Tu n’as même pas les idées claires ! Et moi qui essayais de te raisonner alors que, depuis le début, tu dors debout !
— Pas du tout ! protesta Bonnie. Et même… en admettant que ce soit le cas, tu devrais être plus gentil avec moi. C’est ta faute si je suis dans cet état.
Au fond, il fallait bien avouer qu’elle avait raison. C’était lui qui l’avait fait boire, et qui l’avait ensuite droguée à coups de sérum de vérité et de somnifères. Il le reconnaissait, certes, mais ça ne traduisait pas pour autant son état d’esprit du moment : à savoir qu’en aucune façon il ne pouvait aller plus loin avec cette petite créature bien trop gentille.
Évidemment, le plus sage serait de filer de son côté et de laisser cette immense métropole du mal engloutir Bonnie dans son énorme gueule aux crocs malveillants, ce qui arriverait inévitablement si elle faisait trois pas dans la rue sans lui. Mais là encore, au fond, il ne pouvait se résoudre à une telle solution. Et plus tôt il l’admettrait, comprit-il, plus vite il pourrait trouver un endroit où la cacher et commencer à s’occuper de son propre cas.
— C’est quoi, ça ? demanda-t-il en saisissant une de ses mains.
— Ma bague d’opale, répondit Bonnie avec fierté. Elle va avec tout parce qu’elle est multicolore. Je la porte tout le temps ; elle fait à la fois décontractée et habillée.
Bonnie laissa volontiers Damon l’ôter de son doigt pour l’examiner.
— Ce sont des vrais diamants sur le pourtour ?
— Translucides et sans inclusions, acquiesça-t-elle, toujours aussi fière. C’est Lucen, le fiancé de lady Ulma, qui a fabriqué ce bijou, pour que si nécessaire, un jour, je puisse le démonter et revendre les pierres…
Elle s’arrêta net.
— Oh, non ! Ne me dis pas que c’est ce que tu veux faire ?
— Si. Je n’ai pas le choix si je veux avoir une chance de te sortir d’ici vivante, répondit Damon. Si tu protestes encore ou si tu ne fais pas exactement ce que je dis, cette fois je te laisse seule pour de bon. Et alors ce sera ta mort assurée.
Il planta ses yeux mi-clos et menaçants dans les siens.
Bonnie eut brusquement l’air d’un petit animal apeuré.
— D’accord, murmura-t-elle, les cils pleins de larmes. Qu’est-ce que tu comptes faire ?
Trente minutes plus tard, elle était en prison ; du moins c’était tout comme. Damon l’avait installée au premier étage d’un bâtiment, dans une chambre pourvue d’une seule fenêtre fermée par des stores qu’il lui avait rigoureusement interdit d’ouvrir. Après avoir mis en gage l’opale et un des diamants, il avait payé une logeuse aussi enjouée qu’un croque-mort pour qu’elle apporte à manger à Bonnie deux fois par jour, qu’elle l’escorte aux toilettes et que, le reste du temps, elle l’oublie.
— Écoute, dit-il à Bonnie, qui continuait de pleurer en silence après le départ de la femme. J’essaierai de revenir te voir dans trois jours. Si je ne suis pas repassé dans une semaine, c’est que je suis mort. Dans ce cas… Non, arrête de pleurer ! Écoute-moi ! Dans ce cas, utilise ces pierres précieuses et cet argent pour payer ton évasion et aller te réfugier chez lady Ulma, en espérant qu’elle n’a pas changé d’adresse.
Il lui confia une carte et une petite bourse remplie des pièces et des gemmes qu’il leur restait, déduction faite du coût du gîte et du couvert.
— Si on en arrive là – mais je peux quasiment te jurer que ce ne sera pas le cas –, le mieux c’est que tu tentes de partir à pied en journée, quand ça grouille de monde ; avance tête baissée, fais-toi toute petite et ne parle à personne. Tu enfileras cette blouse en grosse toile et tu porteras ce sac de provisions. Croise les doigts pour qu’on ne te pose pas de questions, et essaie de prétendre que tu fais des courses pour ton maître. Ah, oui, j’oubliais…
Damon plongea la main dans la poche de son blouson et en sortit deux petits bracelets d’esclave en fer, qu’il s’était procurés en même temps que la carte.
— Ne les enlève sous aucun prétexte. Ni pour dormir, ni pour manger… jamais.
D’un air sinistre, il regarda Bonnie qui était au bord de la crise de nerfs. Elle était en larmes, mais trop terrifiée pour répondre. Dès qu’ils étaient arrivés au Royaume des Ombres, elle n’avait pas attendu les conseils de Damon pour mettre son aura en veilleuse et ses instincts de médium en alerte. Elle était en danger. Elle le savait.
Damon conclut d’un ton un peu plus bienveillant :
— Je sais que ça a l’air compliqué, mais je peux t’assurer que personnellement je n’ai pas l’intention de mourir ici. J’essaierai de venir te voir, mais passer les frontières des divers secteurs est toujours risqué. Surtout sois patiente, et tout ira bien. N’oublie pas que le temps s’écoule différemment ici, par rapport à la Terre. On va peut-être rester des semaines et revenir pour ainsi dire à la minute où on est partis. Et puis, regarde…
Damon balaya la pièce d’un grand geste.
— Des douzaines de sphères d’étoiles ! Tu as de quoi t’occuper !
C’était le modèle le plus ordinaire, celui qui renferme non pas des pouvoirs mais des souvenirs, des anecdotes ou des leçons. Si on en approchait une de sa tempe, on était aussitôt plongé dans le contexte mémorisé par la sphère.
— Mieux que la télé, ajouta Damon. Largement.
Bonnie hocha faiblement la tête. Elle était toujours anéantie, et puis si menue, si pâle, avec une peau si fine et des cheveux d’un éclat si vif sous la lueur écarlate qui filtrait à travers les stores que, comme toujours, Damon se surprit à se laisser attendrir.
— Tu as des questions ? demanda-t-il finalement.
— Mais et toi… tu vas… ? bredouilla Bonnie.
— Aller me procurer les versions vampires du Bottin mondain et du livre des Pairs. Il faut que je me trouve une demoiselle de haut rang.
Après son départ, Bonnie jeta un œil à la pièce qui l’entourait.
Cet endroit était affreux. D’un marron terne et juste affreux ! Si elle avait essayé d’empêcher Damon de retourner au Royaume des Ombres, c’était parce qu’elle n’avait pas oublié la façon odieuse dont on y traitait les esclaves, pour la plupart des humains.
Mais est-ce qu’il en était conscient ? Hein ? Non, pas du tout. Alors, quand elle avait traversé le faisceau de lumière avec lui, elle s’était dit qu’au pire ils iraient chez lady Ulma, cette femme qu’Elena avait sauvée et qui, comme Cendrillon, avait ensuite retrouvé sa fortune et son rang, et conçu des robes somptueuses pour que les filles puissent assister à des soirées chic. Il y aurait eu des grands lits couverts de draps en satin, et des domestiques pour leur apporter des fraises à la crème fouettée pour le petit déjeuner. Elle aurait pu discuter avec la douce Lakshmi ou le bourru Dr Meggar…
Elle contempla la pièce lugubre, avec sa couche de paille grossière, pourvue d’une simple couverture. D’un geste mou, elle attrapa une sphère d’étoiles, mais en fin de compte elle la laissa tomber par terre.
Subitement, elle fut prise d’une énorme envie de dormir, au point d’en avoir le tournis. Comme si elle avait la tête dans le brouillard. À quoi bon lutter ? Elle s’avança en trébuchant vers la paillasse, s’écroula dessus et s’endormit avant même de s’être glissée sous la couverture.
— C’est ma faute bien plus que la tienne, disait Stefan à Meredith. Elena et moi, on… on devait dormir profondément, sinon il n’aurait jamais réussi son coup. Je me serais aperçu qu’il parlait avec Bonnie. Je me serais rendu compte qu’il t’avait prise en otage. Je t’en supplie, Meredith, crois-moi : tu n’y es pour rien.
— J’aurais dû essayer de t’alerter. Seulement, je ne m’attendais pas une seconde à ce que Bonnie déboule et se jette sur lui comme ça.
Les larmes que Meredith retenait depuis un moment faisaient miroiter ses yeux gris foncé. Elena serra sa main ; elle en était malade pour son amie.
— Tu n’aurais pas pu le vaincre de toute façon, ajouta Stefan d’un ton catégorique. Humain ou vampire, il a de l’expérience : il connaît des coups que tu ne sauras jamais parer. Je t’assure, tu ne dois pas t’en vouloir.
Elena était du même avis. Elle était inquiète de la disparition de Damon… et folle d’angoisse pour Bonnie. Et, parallèlement, la paume lacérée de Meredith qu’elle voulait réchauffer l’intriguait. Le plus étrange, c’est que les plaies semblaient avoir été soignées, comme enduites de pommade. Mais elle n’allait pas embêter son amie avec ça dans un moment pareil. Surtout qu’en fait Elena ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. C’était elle qui avait accaparé Stefan la veille. Ah, ça, pour avoir eu la tête ailleurs… ils avaient totalement fusionné, corps et âmes.
— Enfin bref, la seule fautive c’est Bonnie, et encore, dit Stefan à regret. N’empêche que j’ai peur pour elle. Je doute que Damon soit enclin à la protéger, même si, à l’origine, il n’avait pas l’intention de l’emmener.
Meredith pencha la tête.
— S’il lui arrive quoi que ce soit, ce sera ma faute.
Elena se mordilla la lèvre. Il y avait quelque chose qui clochait. Un truc que Meredith leur cachait. Ses mains étaient vraiment amochées, et Elena n’arrivait pas à comprendre comment elles avaient pu se retrouver dans cet état.
Comme si elle devinait les soupçons d’Elena, Meredith retira sa main et l’examina. Elle observa ses deux paumes, côte à côte. Elles étaient aussi entaillées l’une que l’autre.
Se penchant davantage, elle se plia presque en deux sur son siège. Puis d’un coup elle releva la tête, rejetant le menton en arrière comme quelqu’un qui vient de prendre une décision.
— J’ai quelque chose à vous dire…
— Attends, chuchota Stefan en posant la main sur son épaule. Écoute : une voiture approche.
Elena tendit l’oreille. Très vite, elle aussi entendit un bruit de moteur.
— Elle arrive vers nous, souffla-t-elle, perplexe.
— Pour être matinal comme ça, fit remarquer Meredith, ça ne peut être que…
— … la police, qui vient pour Matt, termina Stefan. Je ferais bien d’aller le réveiller. On va le cacher dans le cellier.
Elena s’empressa de reboucher la sphère d’étoiles quasi vide.
— Matt devrait la prendre avec lui dans…
Elle s’interrompit en voyant Meredith foncer de l’autre côté du cratère. Elle attrapa un long objet fin qu’Elena ne réussit pas à identifier, même en canalisant tout son pouvoir dans ses yeux. En revanche, elle vit Stefan le fixer d’un air stupéfait.
— Il faut aussi cacher ça dans le cellier, affirma Meredith d’un ton d’urgence. Et il y a sans doute des traces de terre qui remontent de l’escalier, et du sang dans la cuisine. À deux endroits.
— Du sang ? bafouilla Elena, aussitôt furieuse contre Damon.
Puis elle secoua la tête et se ressaisit. Dans les lueurs de l’aube, elle aperçut une voiture de police roulant au pas, avançant lentement mais sûrement, comme un grand requin blanc, vers la pension.
— Allons-y, lança-t-elle. Magnez-vous !
Ils partirent à toute vitesse vers la maison en rasant le plus possible les murs.
— Stefan, si tu peux, manipule-les. Meredith, essaie de faire disparaître les traces de terre et de sang. Je m’occupe de Matt ; si c’est moi, il y a moins de chances qu’il me mette son poing dans la figure quand je lui dirai qu’il doit aller se cacher.
Chacun se précipita à son poste. Mme Flowers apparut au milieu de cette agitation, dans sa chemise de nuit en flanelle et son peignoir rose pelucheux, ses chaussons à tête de lapin aux pieds. Quand ils entendirent tambouriner à la porte d’entrée, elle avait déjà la main sur la poignée.
— POLICE ! OUVREZ…
En face d’elle, l’agent se retrouva à brailler dans le vide au-dessus d’une petite vieille qui pouvait difficilement paraître plus frêle et inoffensive. Il finit sa phrase presque en chuchotant.
— … la porte !
— C’est fait, répondit gentiment Mme Flowers.
Elle l’ouvrit en grand, pour qu’Elena puisse découvrir leurs deux interlocuteurs, et pour que ces derniers puissent les voir elles, ainsi que Stefan et Meredith qui arrivaient à l’instant de la cuisine.
— Nous voudrions parler à Matt Honeycutt, annonça la femme.
Elena nota que leur voiture portait la marque du bureau du shérif de Ridgemont.
— Suite à un interrogatoire poussé… sa mère nous a dit qu’on le trouverait sûrement ici.
D’un coup d’épaule, ils contournèrent Mme Flowers et se frayèrent un chemin à l’intérieur. Elena jeta un coup d’œil à Stefan ; il était livide, et la sueur perlait à son front de façon visible. Il fixait la policière, l’air concentré, mais cette dernière continua de parler :
— D’après Mme Honeycutt, ces derniers temps il habite pour ainsi dire ici.
Son collègue brandit un bout de paperasse.
— On a un mandat pour fouiller les lieux, précisa-t-il.
Mme Flowers parut hésiter. Elle tourna la tête vers Stefan, puis son regard dévia vers les filles.
— Et si j’allais nous préparer une bonne tisane ?
Plus blême et crispé que jamais, Stefan n’avait pas quitté la policière des yeux. Elena sentit son estomac se nouer. Malgré tout le sang qu’elle lui avait donné cette nuit, Stefan était encore bien trop faible, qui plus est pour avoir recours à la manipulation mentale.
— Je peux vous poser une question ? dit Meredith de sa voix calme et posée. Ce n’est pas à propos du mandat, ajouta-t-elle en éloignant le document d’un geste. Comment ça va à Fell’s Church ? Vous savez où en est la situation là-bas ?
Elle essayait de gagner du temps, devina Elena. Tout le monde se tut pour entendre la réponse.
— C’est le chaos total, répliqua la policière après un bref silence. On dirait une zone de guerre. Pire même, puisque ce sont les gosses qui…
Elle s’arrêta brusquement, secouant la tête.
— Ce ne sont pas nos affaires. Nous, notre mission, c’est de retrouver un fugitif. D’ailleurs, première chose : en arrivant, on a aperçu un faisceau de lumière très vif. Et ce n’était pas un hélicoptère. Je suppose que vous allez me dire que vous ne voyez pas du tout de quoi je parle ?
« Oh, c’est rien, juste un accès espace-temps », songea ironiquement Elena, alors que Meredith se dévouait pour suggérer, toujours avec calme :
— L’explosion d’un émetteur, peut-être ? Ou bien un éclair exceptionnel ? Vous ne pensez quand même pas à…
Elle baissa la voix pour finir sur un ton de conspirateur :
— … un ovni ?
— Bon, inutile de perdre du temps avec ça, reprit le policier, l’air blasé. Alors, il est où, ce monsieur Honeycutt ?
— Vous pouvez fouiller, allez-y, suggéra Mme Flowers.
Ils n’avaient pas attendu sa permission.
Elena était abasourdie et écœurée. « Ce monsieur Honeycutt. » Monsieur, pas « jeune homme » ou juste « Matt ». D’accord, il avait plus de dix-huit ans. Pour autant, est-ce qu’il n’était pas encore considéré comme un « délinquant » mineur ? Et qu’est-ce qu’ils lui feraient si un jour ils le retrouvaient ?
Et puis, il y avait Stefan. Il avait été si sûr de lui… si convaincant quand il avait affirmé se sentir mieux. Tous ces discours comme quoi il allait retourner chasser des animaux… En vérité, il lui fallait beaucoup plus de sang pour se rétablir.
Elle se mit à réfléchir à toute vitesse à une stratégie. Visiblement, Stefan ne serait pas en état d’influencer les deux policiers sans un important don de sang.
Mais si c’était elle qui le lui donnait… L’angoisse qui lui nouait le ventre redoubla et lui provoqua de surcroît la chair de poule… Si elle lui faisait encore boire de son sang, quelles étaient ses chances d’être transformée en vampire ?
Élevées, lui souffla une petite voix froide et rationnelle dans sa tête. Très élevées, vu qu’elle avait aussi échangé son sang avec Damon moins d’une semaine auparavant. À plusieurs reprises. Sans retenue.
Par conséquent, elle n’avait pas trente-six solutions. Ces policiers ne trouveraient jamais la cachette de Matt, mais en attendant elle avait un autre problème : d’après ce que Meredith et Bonnie lui avaient raconté, le shérif de Ridgemont était déjà passé à la pension pour les questionner sur lui, et aussi sur la petite amie de Stefan. Or Elena Gilbert était censée être morte depuis neuf mois. Elle n’avait donc rien à faire ici, et quelque chose lui disait que ces deux officiers n’allaient pas les lâcher de sitôt.
Ils avaient besoin des pouvoirs de Stefan. D’urgence. Il n’y avait pas d’autre solution, pas le choix. Stefan. Pouvoirs. Sang humain.
Elle s’approcha discrètement de Meredith, qui avait la tête penchée de côté, comme si elle écoutait les pas d’éléphant des deux policiers dans l’escalier.
— Meredith…
Quand cette dernière se tourna, Elena faillit sursauter sous le choc. Son amie, qui avait normalement le teint mat, était blême, et sa respiration saccadée, superficielle.
Meredith, qui gardait néanmoins un calme apparent, savait déjà ce que son amie allait lui demander. Un don de sang important, qui la laisserait sans doute dans les vapes. Et pas demain, tout de suite. Elle était terrifiée. Pire que ça, même.
« Elle en est incapable, comprit Elena. On est foutus. »